duminică, februarie 27, 2011

Journees nationales du Coran

L’Algérie a, depuis des siècles, été une Terre de l’ijtihâd et du savoir théologique.

A l’occasion des Journées nationales du Coran qui se tiennent depuis le 21 février, organisées par le ministère des Affaires religieuses, à Dar El Imam à Alger, d’éminents savants se sont réunis pour bien montrer que l’apport de l’Algérie à la civilisation musulmane est original, précieux et indéniable. L’Algérie a, depuis des siècles, été une Terre de l’ijtihad et du savoir théologique. L’acte d’interpréter a dominé l’histoire de la culture.

Une source d’inspiration

Interpréter c’est exister, rechercher l’équilibre, assumer le devenir. L’être humain est requis selon le Coran d’assumer ses responsabilités. Le corpus, Mashaf, est ouvert, susceptible d’un nombre illimité d’interprétations, tout en ayant une ligne dominante pour l’essentiel. Il tient compte des aspects individuels et communautaires. Le texte lui-même agrée et appelle la lecture interprétative individuelle et collective, en fonction de la marche du temps et de la pluralité des cultures.

Les prédicats et axiomes théologiques de base, comme l’unicité de Dieu, le privilège octroyé à l’être humain par la raison, comme lieutenant de Dieu sur terre et les cinq piliers de l’Islam, la shahada, la profession de foi, la salat, la prière canonique, la zakat, l’aumône obligatoire, le siyyam, le jeûne durant le mois de Ramadhan, le Hadj, le pèlerinage et d’autres normes sont la base référentielle.

La liberté de l’homme et la prééminence de la vie humaine permettent d’envisager des compréhensions, des exceptions et une exégèse adaptée à l’évolution sociale. A travers l’histoire, les interprétations correspondaient aux attentes de leurs auteurs, à leurs valeurs culturelles et à leurs conditions historiques. Elles n’ont pas donné un sens unique, même si une ligne consensuelle et classique dominait.

Les interprétations du Coran à travers quinze siècles d’histoire dans la plupart des exégèses reflètent les préoccupations concrètes des musulmans, même si celles des trois premiers siècles restent influentes. L’exemple des premiers temps islamiques, avec des nuances selon les époques et les pays, est une source d’inspiration, même si le fidéisme guette parfois cette approche.

Pour la plupart des thèmes et questions, le Coran facilite la prise en compte de la variété des situations et permet, exige de discerner, de s’adapter et d’évoluer. Ses prescriptions favorisent les conditions du vivre-ensemble, du changement et des métamorphoses et soutiennent l’humain pour distinguer le licite de l’illicite et surtout d’assumer la maitrise des aspects ambigus. Car le bien et le mal, le licite et l’illicite sont patents, et la tâche est de discerner. Mais plus difficile est de trancher dans l’ambiguïté, l’incertain, le «muschtabeh»: «C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre, avec des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets ambiguës. Qui porte au coeur la déviance s’attache à l’ambigu, alors que Dieu seul a la science de le déchiffrer, et que ceux de science bien assise se bornent à dire: «Nous y croyons: tout cela vient de notre Seigneur!» Mais, ne réfléchissent que ceux doués d’intelligence» (III, 7).

C’est à chacun d’entendre, de lire et recevoir ce qui est clair et dont l’expression est effective et aussi ce qui est ambigu, pour assumer la part de l’improbable, de l’évolution et de la compréhension. Il s’agit de tenir compte du contexte, des rapports entre les différentes dimensions et parties du texte et de la visée réelle du discours. Tel est l’effort d’interprétation, ijtihâd.

L’ijtihâd est au coeur de la pensée islamique en Algérie

Depuis trois siècles environ, les sociétés musulmanes troublées, paralysées par des problèmes internes de développement et par la trajectoire problématique de l’Occident qui se mondialise ont des difficultés à interpréter, à se mettre en mouvement. La compréhension du Coran est au centre des enjeux. Si on veut comprendre la singularité de la révélation coranique, il faut entendre que la Parole de Dieu révélée dans le Coran est directe et se veut pédagogie. La Parole coranique assume une médiation, elle traduit la vie que l’on doit interpréter et honorer. Toute vérité, y compris La Vérité révélée, est compréhensible dans une trame où se nouent et se tissent le clair et le moins clair, l’évident et l’ambigu, entre les lignes aussi. Vérité que l’on ne peut pas assener d’un bloc, mais la signifier progressivement, vingt-trois ans pour le Coran.

En sachant que les religions sont déformées à la fois par un esprit anti-spirituel et la mauvaise compréhension du Message par des adeptes inauthentiques et inattentifs. Il ne s’agit pas pour le Coran d’imposer une nouvelle religion, refuge, mais de rappeler le vrai, ce qui est requis et visé par l’Infini, et cela est défini comme «la religion du Vrai».
L’ijtihâd est au coeur de la pensée islamique en Algérie. Il s’agit de s’ouvrir et de vérifier que l’Islam peut conserver la même et invariable aptitude à responsabiliser, humaniser et innover. Il est primordial d’adapter l’ijtihad aux circonstances liées à la vie moderne. Pour ce faire, nous devons préciser le sens de l’ijtihâd contemporain. Non pas celui qui s’accommode de l’époque, ou qui se plie aux exigences du matérialisme, et en vient à reconsidérer sa tradition pour l’appliquer coûte que coûte à la réalité variable, mais celui qui respecte l’esprit de la loi. Selon l’Islam, il faut discerner les aspects positifs des aspects négatifs de chaque temps et réinventer une culture vivante et humaine. Il ne fait aucun doute que les hommes ne doivent pas s’aligner servilement sur leur époque, ni lui tourner le dos.

Force est de souligner que l’ijtihâd auquel tout être raisonnable aspire n’est pas celui qui cherche à tourner le dos à son époque, ou au contraire à tout prix vouloir se conformer à son époque. Il y a du clair et de l’obscur dans toute époque. Nous entendons plutôt par ijtihad celui qui se veut créatif, fidèle et novateur en même temps. Ni fermeture, ni dilution. Un moujtahid est un rénovateur, un porte-parole savant des intérêts de son peuple et qui veille à la préservation scrupuleuse de ses racines, de ses intérêts et aspirations, et qui répond aux besoins culturels des gens, en leur balisant la voie vers l’avenir, une vie ouverte, équilibrée, responsable et digne. Pour l’Islam, contrairement aux discours des extrémistes, c’est non seulement possible, mais vital.

L’exégèse admise est fondée sur une connaissance suffisante des règles scientifiques, linguistiques, éthiques et fondamentales du savoir et des valeurs propres. Toute interprétation, sans laxisme, doit faciliter et non compliquer. Elle ne contredit pas une raison saine, ni bafoue une science certaine fermement établie, tout en faisant les efforts possibles de recherche et de réflexion, poussant à l’extrême la déconstruction, la recherche de la vérité et de l’opinion juste et le détachement de soi des passions et des préférences non étayées par des arguments.
Le savant, l’intellectuel, doit s’appuyer sur la raison pour chercher l’intérêt général et ce, pour que nous puissions critiquer et cerner notre époque, comprendre les problèmes et les questions qui y font jour et prendre conscience de ses risques et exigences. Cette démarche permet de nous pencher sur les nouveaux contextes pour les soumettre à l’analyse avec un esprit ouvert et perspicace. L’Islam invite à la réflexion et représente une version vigilante de l’humain qui a fait ses preuves. Reste à sortir des instrumentalisations et superficialités.

L’ijtihâd, mot générique, désigne donc le principe de réflexion libre et responsable exigé par l’Islam aux intellectuels compétents afin qu’ils participent au travail de rénovation et d’invention de nouveaux concepts et de nouvelles pratiques, et d’interprétation du noble discours coranique et de la Sunna prophétique éclairante. Cet aspect fait de l’ijtihâd une possibilité ouverte à toute évolution et adaptée aux intérêts des individus et des sociétés, s’accommodant de tous les temps et de tous les lieux.

Le Maghreb en général et l’Algérie en particulier ont toujours, à travers les âges, favorisé et accueilli des savants de rite malékite qui ont jeté les bases de l’Ijtihad et de la pensée islamique du juste milieu, rempart contre la pensée extrémiste et le discours fanatique. En ouvrant les portes au véritable Ijtihad qui s’appuie sur la raison et la logique, l’Algérie a été un carrefour de la sagesse et des civilisations. Elle s’est forgé une culture de la modération et un climat social où la vie des citoyens articule authenticité et modernité, sans déséquilibre, ni fermeture.

L’ijtihâd, ou tajdid, est cet acte du renouveau qui distingue entre les opportunités et les menaces, entre ce qui fait obstacle et ce qui permet le progrès. Il faut non seulement assumer les changements mais les susciter pour maîtriser l’époque, dans l’intérêt général de la société, afin de préserver son équilibre et sa stabilité et renforcer son attachement au sens de l’ouvert et de la civilisation.
L’ijtihad est efficace, utile et agissant sur la vie de la société islamique, s’il est pratiqué dans le respect des visées générales du Coran, qui prend en compte l’humanité et le respect de la dignité humaine. Un livre qui apporte des réponses à toutes les interrogations fondamentales. C’est cela ce qui est valable en tout temps et en tout lieu. Car l’Islam est venu édifier la communauté médiane, de juste milieu, équilibrer, en vue d’humaniser, de libérer et non point asservir l’humain, ou le déshumaniser.

Tlemcen, capitale du monde islamique

L’Algérie est une des sociétés la plus proche du concept de juste milieu et de la culture de la dignité. C’est porté par l’Islam que l’Emir Abdelkader durant dix-sept ans et le peuple sous la bannière du FLN en Novembre 1954 durant huit ans prirent les armes pour chasser l’envahisseur. Durant le temps des épreuves, avec une foi inébranlable le peuple édifia mosquées et zaouïas pour la diffusion des valeurs d’identité et de dignité face aux tentatives d’aliénation et de dépersonnalisation, tenant en échec le régime colonial.

Aujourd’hui, l’Algérie célèbre avec une fierté légitime, Tlemcen, capitale du monde islamique 2011, la mecque des ouléma des quatre coins du monde. Tlemcen a illuminé le Monde musulman et la Méditerranée par son sens élevé de la civilisation. Avec Grenade et d’autres capitales islamiques du temps de l’âge d’or, elle représente le raffinement de la culture authentique. La figure emblématique de cette citadelle de la culture et de la spiritualité, le saint patron de Tlemcen, Sidi Abu Madyane est le maitre spirituel du plus haut degré.

Il concentrait la plupart des chaînes initiatiques des Sidiqines, issues de l’Ecole de Baghdad, d’Al Jillani et guide spirituel d’Abdeslam Ibn Machich Alami lui même maître du vénérable Abu el Hassan Schadhily.
Cheikh el Akbar, Ibn Arabi, à juste titre, a appelé Abou Madyane: «Le cheikh des chouyoukh», Le maître des maîtres. Son sens de l’interprétation est resté inégalé. Il enseigna aussi à Béjaïa, peuplée d’arabo-berbères et d’andalous, autre centre de rayonnement du soufisme et des savoirs scientifiques autour de la Méditerranée. L’Algérie de Abou Madyane à l’Emir Abdelkader, jusqu’à nos jours, est un trésor de la pensée universelle qu’il faut redécouvrir.

Mustapha CHÉRIF
23 Février 2011

sursa: http://www.lexpressiondz.com/article/8/2011-02-23/86426.html

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