Enseignant à l’université de Strasbourg, islamologue,
essayiste, Éric Geoffroy a épousé l’islam dans son jaillissement
spirituel. Le soufisme est réputé pour ses principes de tolérance, sa
profondeur méditative aux antipodes du fanatisme et de l’intégrisme.
RELIGION
Éric Geoffroy soutient que l’homme de demain sera universel ou bien se sera transformé en une sorte de machine pensante. Le progrès technique a atrophié notre sens spirituel et si nous n’y prenons garde, nous courons à la catastrophe.
Pour lui, l’universel est l’avenir de l’humanité et la vraie spiritualité doit nous inciter à nous mettre en chemin, à chercher.
Yves Geoffroy, dans quelles circonstances avez-vous rencontré le soufisme ?
D’abord par des lectures, notamment à travers les œuvres de René Guénon, Rumi et Ibn Arabi, puis par des voyages en Orient. Au bout de nombreuses pérégrinations, je me suis mis au voyage intérieur. Après avoir exploré le zen et même la vie monacale, puisque j’ai été élevé dans la tradition catholique, j’ai choisi le soufisme parce que j’y ai trouvé une complétude, l’expression universelle ouverte à l’absolue. Un équilibre entre l’Orient et l’Occident. Le soufisme remet en cause le conformisme religieux. C’est une voie d’éveil et non de confort.
Le soufisme n’enferme pas dans le dogmatisme…
Il ouvre sur le message primordial, sur la religion de la transcendance. Il n’y a pas d’opposition mais une harmonie entre l’homme et les messages révélés à l’humanité. Le soufisme est un islam spirituel, loin de certaines conceptions littéralistes pas du tout en phase avec l’époque et la société. C’est l’antidote à l’extrémisme religieux.
Vous parlez de l’équilibre entre Orient et Occident, aujourd’hui que peuvent-ils se transmettre ?
Hélas, aujourd’hui il n’y a plus ni Orient, ni Occident. Tout est mondialisé. Regardez la Chine, par exemple, industrialisée à outrance. Nous sommes, plus que jamais, au règne du matérialisme, il y a une perte du sens et nous devons, très vite, nous remettre en question. L’humanité ne peut pas continuer sur ces bases positivistes, égotistes, consommatrices, matérialistes. Elle ne doit pas rester sur le mythe du progrès techno-scientiste.
Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à l’avenir ?
Pessimiste à court terme, car la prise de conscience reste encore insuffisante, si bien que la transition ne se fera pas sans casse. Puis viendra le temps d’une nouvelle vision de l’humanité. Ce ne sera pas la fin du monde, mais la fin d’un monde. Un monde qui aura ouvert les chemins de la sagesse, le champ de la connaissance.
Que dire du soufisme en France aujourd’hui ?
On peut dire que la France, tout comme l’Europe du reste, devient une terre de rencontre entre les différentes traditions du soufisme existant dans le monde musulman.
Entretien : Alain Junot
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Éric Geoffroy publie depuis une trentaine d’années. Ses travaux mettent en exergue les liens dynamiques unissant soufisme et islam. Il a particulièrement étudié la voie initiatique Shâdhiliyya, école spirituelle qui a eu un fort impact jusqu’en Occident contemporain grâce à René Guénon. Ses travaux ne négligent pas non plus les modalités de l’ancrage du soufisme dans le monde moderne, ni ses relations avec les autres courants de l’islam.
Dans son dernier ouvrage "L’islam sera spirituel ou ne sera plus" il présente le soufisme comme un antidote au nihilisme contemporain, d’où qu’il vienne.
Aujourd’hui, de nouvelles sollicitations l’amènent à traiter de plus en plus la dimension éthique et écologique de l’islam.
L’islam sera spirituel ou ne sera plus (Seuil)
Le soufisme, voie intérieure de l’islam (Seuil Points-Sagesses)
Le Grand Livre des prénoms arabes en collaboration avec Néfissa Geoffroy (Albouraq/Albin Michel)
Une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya. Actes du colloque organisé à la Bibliotheca Alexandrina en avril 2003 (Maisonneuve & Larose)
Initiation au soufisme (Fayard)
L’instant soufi (Actes Sud)
La sagesse des maîtres soufis (Grasset)
Jihäd et contemplation - Vie et enseignement d’un soufi au temps des croisades (Dervy)
Le soufisme en Égypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans : orientations spirituelles et enjeux culturels, thèse publiée par l’Institut Français d’Études Arabes de Damas (disponible a la librairie de l’Institut du Monde Arabe et bientôt sur le site de l’IFPO)
sursa
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